Télétravail, paradis ou enfer ?

Alors nous voilà bien !

Des décennies à être formé aux meilleures méthodes de management, des cours interminables de management en école supérieure de commerce, des heures de lecture de livres spécialisés sur le sujet (qui prennent la poussière depuis de nombreuses années sur une étagère, mais dont on n’ose pas se séparer), des années à mettre en œuvre et tester toutes ces méthodes et quand on commence à comprendre que finalement manager c’est « faire avec », tout ceci est balayé par un tout petit virus en moins 2 mois.
Adieu, management directif, persuasif, participatif, "délégatif", pyramide de Maslow, programmation neurolinguistique, … toutes ces belles notions remises en cause par l’obligation sanitaire de TELETRAVAIL, il va donc bien falloir « faire avec ».

Le télétravail c’est le paradis !

Pour moi salarié c’est le bonheur, plus cette route interminable avec son lot d’andouilles qui n’avance pas et cette essence qui n’arrête pas d’augmenter, plus ce chef, que j’aime bien mais qui regarde par-dessus mon épaule perpétuellement, je peux enfin travailler en regardant la télé (« camping paradis » car cela ne stresse pas trop et ne monopolise pas tous mes neurones), plus ce collègue qui parle trop fort au téléphone, plus ce stupide tableau et ces maudits « post-it » qui gèrent mon temps et qui ne finissent pas de s’entasser ne laissant aucun répit à ma semaine de travail. Et sur le plan personnel, c’est le bonheur, je peux m’occuper de mes enfants, de mon conjoint, prendre des pauses aussi nombreuses et longues que désirées, je gagne de l’argent en transport, je gère mon temps, je peux rester en tongs toute la journée et même avoir une hygiène aléatoire... Il faut juste que le haut du corps soit présentable pour les réunions visios, je dois juste me souvenir de ne pas me lever en pleine séance et je peux enfin laisser ces sacrées lumières allumées sans que le directeur ne passe derrière pour éteindre en râlant (enfin pas trop longtemps parce que là c’est moi qui paye maintenant).

Pour moi manager c’est le bonheur, je peux enfin me concentrer sur mes missions sans être continuellement dérangé par des entrées intempestives dans mon bureau, plus de questions naïves dont la réponse coule de source, je ne perds plus mon temps à perpétuellement relancer mes collaborateurs, que j’adore mais franchement des fois…. Plus de conflits à gérer ou à anticiper, plus de longues réunions à animer, je peux même fumer dans mon bureau tranquillement. Plus de déplacements longs et éreintants, tout le monde accepte et favorise la visio-conférence, même les clients les plus exigeants, et plus de patron à me mettre la pression sur mes résultats ou sur les reports de facturation. Même si cela ne fonctionne pas je pourrai mettre cela sur le dos du Covid-19, tout le monde comprendra, que ce soit le cas ou non…

Mais voilà, le paradis n’est qu’éphémère, comme Adam et Eve expulsés du paradis, le télétravail peut tourner à l’enfer…

Le télétravail c’est l’enfer !

Pour moi salarié, cela tombe vachement mal, c’était pourtant bien parti avec la petite du 3ème étage, je pensais l’inviter à diner le 17 mars, c’est ballot… Et puis je ne vois plus personne, comment partager mes commentaires sur la dernière série Netflix ou sur mes derniers exploits sportifs, je reste seul à travailler sur la table de ma cuisine entre les miettes de pain et les pelures d’oranges de ce matin. J’ai pris 4 Kg en 2 semaines, tu parles mon seul effort physique est de traverser mon appartement qui ne m’a jamais semblé aussi petit. Chaque jour mon challenge est de savoir quoi faire à manger, après une semaine j’avais épuisé l’ensemble de ma culture culinaire, alors Uber eats en avant (d’où les 4 Kg). Oui mais toi tu es célibataire, moi j’ai failli noyer mes 2 enfants que j’avais oublié dans le bain le temps d’une compilation de programme et j’ai eu des envies d’infanticides, ces sales gosses ne comprennent pas la notion de télétravail en particulier, ni de travail en général. C’est incroyable le nombre de décibels qui peut sortir de ces petits corps, surtout quand je tente de leur apprendre les fractions et les abscisses (que je ne maitrise pas entièrement, soyons honnêtes). De plus mon conjoint est bloqué depuis 4 semaines dans le canapé à rattraper l’ensemble des 5 saisons du « Bureau des légendes », je crois que dans son organisation télétravail, c’est surtout la partie télé qui a gagné, nous sommes au bord du divorce, heureusement que nous sommes obligés de faire les courses en solitaire cela nous donne une parenthèse sans être collés l’un à l’autre.

Pour moi manager c’est l’enfer. Qu’est-ce que je peux bien faire tout seul dans 1.000 M2, j'erre, je donne à manger au poisson (qui lui aussi a pris 4Kg), j’arrose les plantes et je relève le courrier qui n’est plus distribué qu’un jour sur trois… J’organise un éventuel retour des salariés au bureau, du coup, comme j’ai le temps, il y a des panneaux tous les 2 mètres pour informer de se laver les mains, de passer par là, de porter des masques, de rester à distance, etc… si les salariés reviennent ils devront prendre 1 journée entière pour lire toutes les informations qui tapissent les murs. Après je ne peux plus insister sur la notion de résultat, comment sévir ou faire des remarques sans savoir quel est l’investissement de chacun ? c’est impossible et il faut compatir à toutes les situations avec compréhension, mais qui s’interroge sur ma propre situation ?. Financièrement c’est la galère, je paie un loyer pour un plateau de 1.000M2 juste pour une seule personne, en termes de distanciation physique il n’y a rien à redire, je paie pour un parc de véhicules qui ne bouge plus, j’ai même trouvé un essaim de guêpes dans la portière du fourgon (peut-être que je peux vendre du miel…, c’est bon les réflexes de l’entrepreneur sont toujours présents). Alors je ne peux que faire confiance à l’ensemble des salariés, en priant pour que les commandes reviennent. La confiance n’exclue pas le contrôle, il faudra bien que je trouve une solution à cette situation.

Entre enfer et paradis :

Alors comment s’adapter à ce nouvel environnement ? et est-ce possible de manière globale ?

Je pense que non, chaque personne à sa propre façon de gérer cette révolution dans l’organisation du travail, il est difficile de placer les personnes dans des cases, mais certains profils apparaissent :

  • Le solitaire besogneux : Avec lui pas de problème en télétravail, il s’épanouit seul, n’a besoin que de peu de contact avec les autres et sait se concentrer sur son travail sans limite d’horaire. Assez simple à manager, il a la compréhension totale de sa mission et de ce qui est attendu de lui. Le contrôle peut être léger, mais des objectifs clairs doivent être fixés et le manager doit intervenir pour qu’il puisse conserver une vie privée et une déconnexion du travail.
  • Le solitaire dilettante : Le télétravail est plus compliqué, son plaisir personnel passe avant le travail, d’abord le réconfort et on verra pour les efforts par la suite. Néanmoins il n’a que peu besoin de contacts sociaux, sa seule présence est suffisante à son bonheur et rythmera sa vie. Un contrôle régulier, car il peut être tout à fait performant, est donc indispensable et des rappels à l’ordre nécessaires régulièrement.
  • Le « branleur » : Comme son nom l’indique, son seul objectif sera de profiter de la situation, en faire le moins possible tout en laissant penser que son activité est débordante. Il sera assez aisé de se rendre compte de ce profil, ce ne sera jamais de sa faute, mais de celle des autres, du Covid, des clients, du manager, de la ligne internet, … Le télétravail n’est pas adapté à ce genre de profil (ni toute autre sorte d’organisation en fait).
  • Le responsable de famille : La priorité c’est la famille, mais avec responsabilité, il peut être un très bon professionnel mais priorisera toujours les besoins de ses proches quitte à empiéter sur le travail, à laisser les enfants jouer autour de lui. Pas de souci c’est généralement un problème d’organisation et de règles au sein de la famille. Un bureau isolé et des règles strictes, papa et maman travaillent, ne pas les déranger et tout est en place pour mieux se concentrer. Comme c’est une personne responsable, il n’y aura que peu de contrôle à effectuer.
  • Le chef de famille : Pour lui le télétravail n’est pas possible, il sera en même temps, cuisinier, éducateur, instituteur, jardinier, plongeur, nettoyeur, bricoleur, … Donc pas de temps pour le métier, tout est focalisé sur la famille, pas de place pour le reste.
  • Le social responsable, pas de problème avec le télétravail, généralement en couple avec ou sans enfant, il sait s’organiser et fait la part des choses entre le professionnel et le personnel, sa responsabilité le poussera à exécuter ses missions au mieux et saura séparer sa vie professionnelle et sa vie sociale et familiale.
  • L’hyper social, attention le télétravail va jouer sur son moral. Coupée de toute relation sociale cette personne risque de mal le vivre, il s’épanouit en liant des rapports avec son entourage proche, ce manque posera des problèmes à moyen terme. Il faudra adapter le télétravail en prenant en compte le besoin de présences régulières au bureau, proche des collègues et amis.

Alors bien sûr, ce n’est pas aussi simple, nous pouvons jongler entre ces différents profils et s’admettre « branleur » de temps en temps puis besogneux dans la même journée. La nature humaine est ainsi faite. Mais il y a une ligne directrice qui ressort pour un management adapté à cette situation de télétravail, c’est le management par objectif négocié, se mettre d’accord avec le salarié pour la réalisation d’un certain volume de tâches sur une durée déterminée. Cette négociation engagera les deux parties, le manager à ne pas trop contrôler le salarié et le salarié à s’efforcer de livrer les objectifs définis dans les délais. Des systèmes d’alarmes doivent être prévus afin d’informer l’une ou l’autre des parties en cas de dysfonctionnement.

Il faudra également adapter le télétravail à chaque profil et garder des bureaux ouverts pour les personnes incompatibles avec ce système, d’autres préféreront un télétravail total avec quelques déplacements ponctuels sur le lieu de travail (dans ce cas des bureaux libres, dépersonnalisés et ouverts à volonté peuvent être une solution raisonnable). D’autres préféreront garder un rythme régulier avec x jours au bureau et x jours en télétravail.

Voilà le problème est posé, comment harmoniser toutes ces possibilités en conservant, un esprit d’équipe, une collaboration active, une production nécessaire, les précautions sanitaires qui nous sont imposées et les velléités de chacun ?

C’est le challenge qui nous occupe en ce moment avec le comité de direction de l’entreprise, une nouvelle vie à inventer qui prend en compte les besoins professionnels aussi bien que les désirs personnels, c’est passionnant.

 

Jérôme Barbier - PDG Proximit

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